Les juristes ont toujours
constitué un centre d’intérêt pour la sociologie du droit. L’abondance des
oeuvres empiriques et théoriques concernant ce sujet montre qu’il s’agit d’un
sujet d’enquête important. Plusieurs explications peuvent être données
relatives à cet intérêt. Premièrement, la raison la plus importante est à
rechercher dans le fait que cette profession a acquis un pouvoir considérable
tant au niveau politique qu’économique dans la plupart des pays. En effet, ce
groupe social est constitué de personnes ayant un tel savoir, qu’elles étaient
capables de faire évaluer leur rôle social, souvent de le faire “surévaluer” à
l’aide de différentes méthodes, en outre elles exerçaient plusieurs fonctions,
de celles liées au pouvoir législatif jusqu’aux principaux postes de
l’économie, en passant par les fonctions du pouvoir judiciaire, recouvrant
ainsi un domaine très large ce qui est presque irritant. C’est pourquoi il ne
faut pas être surpris de l’attention accordée aux juristes dans les théories
sociologiques élaborées par des sociologues classiques réputés, comme Weber,
Durkheim, ou Parsons. Deuxièmement, la raison pour laquelle les oeuvres de
sociologie du droit portent une attention très importante à ce sujet, est peut
être encore plus évidente. Comment pourrions nous trouver des réponses à
n’importe laquelle des questions fondamentales de cette discipline sans
connaître les acteurs réels du sujet d’enquête, c’est à dire “la vie
juridique” ? Que nous nous occupions des problèmes de la législation, de
l’application du droit ou de certains instituts juridiques, nous devons prendre
en considération alors ceux qui exercent ces fonctions, ceux qui s’occupent
d’un institut juridique. Finalement, nous pouvons mentionner également le fait
qu’indépendamment de tout cela, les juristes par eux-mêmes constituent un
groupe humain tel, qu’il peut provoquer la curiosité des chercheurs. Comme nous
le savons il ne s’agit pas seulement de la curiosité des chercheurs. La société
était toujours intéressée par cette profession au même titre que celle de
médecin ou de policier. Ce n’est pas par hasard que les héros des soap-opéra
(feuilletons télévisés populaires) sont souvent des avocats ou des juges
d’instruction. Bien sûr dans ce cas, ces fictions présentent des événements qui
choquent, excitent et terrifient les gens, comme par exemple la mort. Il est
rare qu’un film présente le calvaire d’un avocat qui gagne un “procès de
poule”. Il est aussi rare qu’une oeuvre présente la lutte héroïque d’un médecin
contre le rhum. Mais, alors que la lutte d’un médecin dans un film est souvent
assez proche de la réalité, c’est justement la sociologie du droit qui doit
être capable de prouver à quel point le travail quotidien des juristes est loin
de l’image présentée dans les médias. Bien sûr, le but principal des recherches
de sociologie du droit, n’est pas de se moquer des réalisateurs. L’exploitation
de la réalité, la connaissance du monde des juristes s’effectuent dans
plusieurs directions et par des méthodes variées.
Quand nous donnons un aperçu des
recherches en sociologie du droit concernant les juristes les principales
directions d’enquête suivantes peuvent être observées :
1. Les enquêtes concernant les
étudiants en droit
2. Les recherches analysant la
composition et les caractéristiques du monde des juristes
3. La responsabilité et la
déontologie juridiques, plus particulièrement des avocats
4. La relation client avocat
5. L’activité quotidienne des
juristes.
Il n’est pas surprenant que dans
les domaines mentionnés, les chercheurs des Etats-Unis arrivent en tête, ils
ont déjà examiné de presque tous les points de vue les juristes américains. Des
enquêtes de sociologie du droit de ce type sont mis à jour dans tous les
systèmes juridiques, mais l’étendue des recherches n’arrive nulle part au
niveau américain. Ainsi, il est compréhensible que la recherche unique qui
compare les juristes de nombreux systèmes juridiques du monde ait été effectuée
sous une direction américaine. Les enquêtes effectuées sous la direction de
Philip Lewis et Richard Abel ont fait la comparaison des juristes des systèmes
juridiques de vingt pays, selon des points de vue déterminés. Les résultats de
ces enquêtes ont donné naissance à un ouvrage en trois volumes en 1989 (“The
common law world”, “The civil law world”, “Comparative theories”), qui apporte
une synthèse des juristes du monde.
LES JURISTES HONGROIS
Nous ne pouvons pas
parler de véritable enquête
sociologique relative aux juristes hongrois avant le changement de régime. La
sociologie était une discipline à refuser ou à peine tolérée par les
idéologistes du parti communiste. L’exploitation de la réalité a énervé à juste
titre ceux qui n’ignoraient pas la différence entre la propagande et la
situation réelle.
Malgré tout cela, à
partir des années 70 cette discipline commence à vivre et une enquête
sociologique globale concernant les juristes hongrois est également réalisée
dans cette période. Mais, à cause des bouleversements importants suite au
changement de régime ses résultats ont pris un aspect historique et ils ne
contribuent à la compréhension de la situation actuelle que d’un point de vue
historique.
Par la suite, j’essayerai
d’exposer les faits et les recherches les plus importants relatifs aux juristes
hongrois, qui sont à la disposition de la sociologie du droit. Comme pour les
années précédant le changement de régime, les 10 années qui l’ont suivi
n’étaient pas très fécondes. Bien que depuis les années 90 des changements
radicaux se manifestent concernant la composition, le rôle et le prestige des
juristes, très peu d’enquête empirique malheureusement ont été réalisée. Mais
il parait que le nouveau millénaire sera accompagné d’une explosion dans le
domaine également des recherches. Nous avons connaissance de nombreux projets
et d’enquêtes en cours. Il serait d’autant plus important que ces enquêtes et
des analyses comparatives se réalisent, pour que les différents ordres de
juristes ou les facultés de droit puissent prévoir une stratégie concernant
l’avenir sur la base de ces résultats, afin d’éviter certaines tendances
négatives.
I.
Les étudiants en droit
Au delà de la valeur d'une
connaissance, c’est à cause de la qualité professionnelle et morale des
juristes, qu’il devient particulièrement intéressant de s’occuper des
motivations de la vocation, des valeurs et de la socialisation des étudiants en
droit. L’étudiant en droit devient un jour juriste, ce qui n’est pas
surprenant, (en plus selon les enquêtes américaines, la majorité des étudiants
le restent…) et arrivant à une nouvelle période de socialisation
professionnelle, il possède certaines attitudes. Sa personnalité, sa manière de
voir jouent un rôle primordial au niveau de son rapport avec les affaires et
les clients. Donc, il est très important de prendre en considération les
dispositions d’esprit que possèdent les personnes qui entrent à l’université,
ainsi que les changements que subissent les étudiants pendant leur formation.
S’il faut qu’ils connaissent un changement de personnalité. En effet, beaucoup
de personnes sont septiques vis à vis de cette question et elles affirment
qu’il faut en finir avec cette idée idéaliste. Les étudiants arrivent à
l’université avec une personnalité déjà développée, avec des valeurs morales,
ainsi ils n’ont plus besoin d’être éduqués. De toute façon, celui qui est
égoïste à l’extrême, ne deviendra jamais altruiste et inversement.
Parmi les résultats des
enquêtes concernant la socialisation des étudiants en droit, la majorité ne
démontre pas un changement significatif au niveau des valeurs morales, pendant
la période de leurs études. Il s’agit plutôt d’une auto-sélection des
étudiants, c’est-à-dire que certains types de personnalité préfère la faculté
de droit aux autres facultés. Selon plusieurs recherches, les étudiants en
droit sont caractérisés par le rationalisme et moins par l’affectif. Selon les
ouvrages spécialisés, la modification essentielle est observée plutôt au niveau
de la motivation. L’essentiel du changement se trouve dans le fait qu’aux Etats
Unis la majorité des étudiants acceptés en facultés de droit, pensent possible
ou bien ont la ferme intention d’exercer leur métier en faveur d’un groupe
social en difficulté après leurs études, mais juste avant l’obtention du
diplôme il n’y en a que très peu d’entre eux qui gardent cette position. Donc
selon les enquêtes américaines l’influence des facultés de droit se manifeste
dans le fait qu’elles dirigent fermement leurs étudiants vers des carrières
juridiques traditionnelles.
1 En ce rendant compte de l’absence d’enquêtes en Hongrie
concernant les étudiants en droit on a réalisé une enquête comparative
concernant les motivations et la vocation des étudiants en droit, en
collaboration avec des collègues allemands, au mois de décembre 1996 à
l’université de Szeged et au cours de l’été 1997 à l’université de Göttingen en Allemagne. On a considéré cette enquête comme
la première étape d’une recherche globale relative aux étudiants. Nous avons
supposé qu’à cause des particularités des périodes précédant et suivant le
changement de régime, il s’agissait d’une société d’étudiants en droit
différente, de plusieurs points de vue, de celle des pays occidentaux.
Sans entrer dans les détails des
résultats de l’enquête, nous avons observé les différences marquantes
suivantes par rapport à l’Allemagne :
a) A la différence des étudiants
allemands une attitude affective plus importante et une disposition d’esprit
plus tournée vers les lettres pouvaient être observés. La raison la plus
importante de cette différence trouve son origine dans un système particulier
d’examen d’entrée à l’université, qui constitue un mode particulier de
sélection par rapport à la pratique européenne. L’examen d’entrée basé sur la
littérature hongroise et l’histoire a pour conséquence d’une part d’amener une
partie considérable des étudiants en droit vers une orientation axée sur les
lettres, d’autre part de fermer l’accès à la faculté de droit aux étudiants
intéressés mais d’esprit scientifique.
b) La différence était frappante
au niveau des hiérarchies, relatives aux professions, telles quelles étaient
définies par les étudiants. Tandis que les étudiants allemands ont placé
presque à l’unanimité la profession de médecin en tête alors que celle de
juriste était souvent précédé par celles d’ingénieur et d’économiste, les
étudiants hongrois, à une majorité écrasante, ont placé en première position
selon presque tous les points de vue la profession de juriste.
c) En ce qui concerne les
possibilités de débouchés, un optimisme plutôt mal fondé règne parmi les
Hongrois. Tandis qu’une proportion très faible des étudiants allemands est sûr
de trouver un emploi tout de suite après leurs études, 90 % des étudiants
hongrois en sont persuadés.
2. La formation des
étudiants en droit en Hongrie
24 § / Une personne qui
observe le cursus de droit en Hongrie remarque tout de suite l’abondance des
matières soit disant théorique qui parfois dépassent presque le nombre des
matières pratiques professionnelles. Ces cours destinés à donner une culture
générale juridique sont dans la plupart des cas obligatoires quoique quelques
uns de ces cours sont devenus facultatifs ces dernières années. La conception
de base, contrairement à la conception de la formation en droit des pays
anglo-saxons et d’autres pays continentaux, est de ne pas “produire” des
ouvriers professionnels juridiques prêts à être lancés immédiatement sur le
marché, mais de former une élite juridique, cultivée, instruite dans plusieurs
domaines, sensible aux problèmes sociaux, et dont les membres seront compétents
dans tous les domaines professionnels. D’ailleurs, la méthode d’enseignement
des matières professionnelles reflète bien cette conception, puisque l’étude
des différentes branches du droit comprend également l’introduction historique,
les principes théoriques, et les professeurs consacrent très peu de temps à la
pratique judiciaire. Les cours magistraux sont centrés sur la législation, et
souvent le contrôle se limite exclusivement à la connaissance des lois en
vigueur et à la connaissance théorique et historique. La jurisprudence se
limite à quelques importantes décisions de principe. Selon les partisans de
cette méthode, il serait complètement inutile de jouer des scènes judiciaires à
l’université, et d'obliger les étudiants à faire des plaidoiries régulièrement.
Ils ne pensent pas nécessaire non plus d’apprendre aux futurs avocats les
astuces du métier. Les jeunes diplômés ne doivent pas être en mesure non plus
d’enregistrer les documents et de remplir une formule exécutoire.
Pourquoi ? Parce qu’un juriste acquiert toutes ces pratiques pendant les
trois années de stage, dans le milieu où il les appliquera.
Mais il est possible qu’à
cause des exigences du marché les facultés de droit soient amenées à adopter un
système de formation plus orienté vers la pratique. L’avantage de ce changement
serait de faciliter la socialisation des juristes dans un secteur de pratique
judiciaire empreint de positivisme, tandis que l’inconvénient serait la
disparition d’une catégorie de juristes classiques et cultivés. D’autres
dangers menacent également l’idée de former des juristes cultivés, notamment la
croissance importante du nombre d’étudiants inscrits en droit ces dernières
années, qui rend de plus en plus impossible un enseignement de qualité, et la
production en masse, même s’il s’agit ou non d’une formation basée sur la
pratique, fait diminuer évidemment le niveau de qualité.
3. Les possibilités des
jeunes diplômés juristes
25 § / Pour l’instant les jeunes diplômés juristes ont
plus d’avantage par rapport à d’autres professions. Mais au regard des
effectifs d'étudiants des facultés de droit, il n’est pas difficile de prédire
que les juristes hongrois seront bientôt confrontés au fait, qu’avec un diplôme
de faible qualification et que sans avoir des parents avocats et de bonnes
relations, ils deviendront chauffeur de bus ou ils mettront en valeur leur
savoir dans un domaine complètement différent. Avant le changement de régime
les ministères avaient comme objectif d’éviter ce problème en limitant les
effectifs des facultés. Mais suite à la libéralisation du marché, la demande en
juristes s’est accrue rapidement, et le manque de juristes observé dans
différentes structures, ainsi que l’espoir d’avoir un revenu élevé, ont attiré
des masses d’étudiants vers les facultés de droit, qui ont ouvert des
promotions avec des effectifs de plus en plus importants.
Aujourd’hui, les jeunes diplômés n’ont plus vraiment le
choix. Il y a quatre ans, les tribunaux, les ministères publiques devaient
rechercher des jeunes diplômés, surtout des garçons, mais aujourd’hui, ces
derniers doivent “se battre” pour ces postes devenus vacants et bien payés.
Dans le choix du candidat, la qualité du diplôme représente un poids très
important, mais dans la plupart des cas la décision dépend des relations
personnelles. La situation est différente concernant les cabinets d’avocats.
Beaucoup de cabinets, ou d’avocats indépendants demandent de l’argent pour
employer des stagiaires, mais l’avenir n’est sûr que pour ceux qui ont un
parent avocat de grande réputation. Les exceptions existent bien sûr, ce sont
surtout notamment les cabinets spécialisés dans des affaires commerciales qui,
ayant des recettes importantes venant de commissions permanentes, peuvent payer
correctement leurs employés.
Une caste à part se constitue de cabinets étrangers qui,
disposant de la confiance des investisseurs étrangers, effectuent le travail
relatif à la création d’entreprises et d’autres missions juridiques relatives
aux entreprises, pour des rémunérations très importantes du point de vue
hongrois. Ces cabinets implantés à Budapest prennent une part très importante
du marché juridique et il parait qu’ils ont toujours besoin de jeunes juristes
hautement qualifiés. A ce niveau la recommandation ne fait qu’accroître la
confiance, et si quelqu’un parle parfaitement la langue en question ou d’autres
langues étrangères, s’il présente bien et s’il est travailleur, il aura une
sécurité d’emploi, un revenu important, mais si peu de temps libre.
II. La situation des
métiers juridiques classiques
Avant le changement de
régime nous pouvions parler d’une catégorie de juristes, employés, mal payés et
ayant un prestige limité, ainsi qu’une catégorie fermée d’avocats, dont les
effectifs étaient limités, et ayant un niveau de vie élevé. En possédant le
diplôme universitaire, il était égal de devenir procureur, juge, ou employé
dans l’administration, d’un point de vue financier ainsi que du point de vue de
l’autonomie de travail. La seule possibilité d’ascension du point de vue
financier était de devenir avocat, mais il était presque impossible d’entrée
dans l’ordre des avocats sans avoir des parents avocats et des relations
politiques, liées au parti.
Le changement de régime a
modifié considérablement cette situation. Le gouvernement du premier parlement
démocratiquement élu avait l’intention ferme d’assurer un revenu important aux
catégories des juges et des procureurs par rapport à d’autres groupes de
fonctionnaires. L’objectif était avant tout de restaurer l’autorité des
tribunaux. Parallèlement, la législation à mis fin à l’aspect fermer des ordres
d’avocats et avec des conditions objectives il a rendu possible pour tout le
monde l’ouverture d’un cabinet d’avocat.
Tous ces changements ont
restructuré fondamentalement le monde des juristes en Hongrie en quelques
années.
Le nombre d’avocats s’est
accru considérablement et en même temps la concurrence est très forte au niveau
des postes dans les tribunaux et dans les ministères publiques.
Malheureusement, cette concurrence est loin d’être objective, ainsi une des
missions les plus importantes des législateurs sera d’élaborer un système plus
juste. Une caractéristique typiquement hongroise, contrairement aux tendances
européennes, est l’avantage considérable que les hommes ont par rapport aux
femmes d’obtenir un poste de juge ou de procureur. Les origines de cette
tendance était la “féminisation” de ces métiers dans la période du socialisme,
mais actuellement le sentiment d’équité de beaucoup de personnes est lésé,
quand un homme de compétence faible est nommé plus vite juge qu’une femme de
compétence forte. D’autres problèmes se posent, au niveau du vieillissement des
corps d’avocats et de juges. Il ne s’agit pas de l’âge en soit mais de la
socialisation des juristes plus âgés, issus d'un système où la valeur
principale était la conformité, alors qu'aujourd'hui la transmission de cette
valeur ne devrait pas être un but.
Les avocats constituent
la seule catégorie de juristes qui soit concernée par une enquête sociologique
empirique et globale réalisée dans les années 90. Ce groupe social a été étudié
par un groupe d’étudiants en sociologie, dirigé par Utasi Ágnes, sociologue. La
présentation détaillée de cette enquête concernant 1500 personnes, dépasserait
nos limites, ainsi nous n’allons souligner que quelques remarques importantes.
Les chercheurs parlent
des avocats en tant que représentants typiques de la classe moyenne. Mais
d’après eux, alors que la société perçoit les avocats comme un groupe homogène,
dont les membres ont un revenu élevé par rapport à la moyenne, l’image réelle
est beaucoup plus différenciée. Cette constatation coïncide avec mes enquêtes.
J’ai réalisé des entretiens dans les sociétés employant des avocats d'un seul
département, qui ont donné une image très diversifiée du point de vue de la
qualité professionnelle et du niveau de vie. L’accroissement brusque des
effectifs dont nous avons déjà parlé avait comme conséquence une dilution et
une concurrence plus accrue. C’est pourquoi aujourd’hui des différences plus
fortes peuvent être observées parmi les avocats, par rapport à la situation
précédant le changement de régime. Cette différence concerne le niveau de vie
mais ce qui est encore plus important, le niveau variable éthique et
professionnel. Malgré que les ordres d’avocats essayent de rendre obligatoire
les examens éthiques, de plus en plus d’avocats se retrouvent sur le banc des
accusés.
Une autre constatation
intéressante de l’enquête est que l’orientation politique des avocats est très
proche des proportions européennes. La majorité des avocats ont des convictions
politiques de droite et cette proportion est plus importante que la moyenne
parmi ceux qui se placent dans un groupe social supérieur.
III. Appréciation sociale
des juristes
L’appréciation
sociale des juristes est extrêmement contradictoire partout dans le monde.
Cette appréciation part de l’ergoteur froid, insensible, sec et matérialiste à
l’extrême en passant par le juge cultivé qui rend la justice, jusqu’à l’avocat
défendant des personnes hors-la-loi. Ces prises de position extrêmes suivent
parfaitement l’image variable du juriste dessinée par les médias. Jerome Frank
y fait également allusion dans son oeuvre intitulé “Law and the modern mind”.
L’explication de Frank est assez particulière, il trouve la réponse à la
question dans le complexe paternel. Selon lui l’individu cherche la même
sécurité dans le droit que dans le père, c’est-à-dire une personne qu’il estime
et dont il ne met jamais en cause les décisions, durant son enfance. Mais il ne
trouve jamais cette sécurité dans le droit, ainsi il suppose que les litiges
sont fabriqués par les méchants juristes. Or, déduit-il, “l’idée populaire sur
la possibilité de l’exactitude juridique est basée sur une erreur”.
Les juristes supportent assez mal cette appréciation
négative par rapport à d’autres métiers, ce qu’une enquête américaine a prouvé.
Plus de la majorité des juristes craignent que la société méprise plus leur
métier que d’autres. Il parait que ce n’est pas sans fondement parce que selon
une enquête effectuée en 1973, 82 % des gens ont plus confiance en les
policiers et les éboueurs qu’en les juristes. Bien sûr ce n’est qu’une partie
de l’appréciation, mais dans la hiérarchie des métiers les juristes sont placés
à un niveau assez bas. Mais la méfiance vis-à-vis des juristes et l’échelon
inférieur accordé aux juristes dans la hiérarchie professionnelle ne veulent
pas dire qu’on n’apprécie pas positivement ce métier sous d’autres points de
vue (par exemple financier).
L’image des
juristes et tout particulièrement des avocats est encore plus négative dans la
société hongroise. La raison principale trouve son origine dans le fait que
pendant les quelques années, qui ont suivi le changement de régime de nombreux
scandales ont choqué la société, dans lesquels des juristes étaient
nécessairement impliqués. Au sujet de ces affaires, c’est en fait une
information, concernant des commissions énormes, qui a été mise au grand jour,
et dont l’ordre de grandeur a largement dépassé l’imagination des salariés.
Lors d'un contrat de vente, la commission d’un avocat s’élève à 1 % du prix de
vente, et le lectorat, dans le cas d’un contrat de vente d’un montant de 1
milliard, peut être facilement amené à penser alors que le juriste touche sans
le mérité une somme trop élevé par rapport au travail effectué et à la
responsabilité prise. Bien sûr, ce sont plutôt les personnes à bas salaire qui
sont vraiment choqués. La rémunération trop élevé des juristes constitue un
problème polémique dans le monde entier, surtout si c’est de l’argent public
qui atterri dans la poche des juristes, comme c’est arrivé parfois en Hongrie.
L’image de l’avocat qui lutte à tout prix pour la justice n’est connu
aujourd’hui en Hongrie que par les films américains, parce que le système
hongrois de procédure ne donne pas vraiment la possibilité aux avocats de
briller. Le juge d’instruction intègre des films italiens n’est pas présent non
plus dans l’opinion public, malgré qu’il soit reconnu que la justice soit moins
corrompu que l’administration. Les critiques relatives à la législation parlent
souvent également des juristes, dont la participation trop importante est
objecté. Les juristes sont parfois accusés d’élaborer des règles juridiques de
telle façon qu’il se garde une porte de sortie. Mais ce ne sont que des
conclusions tirées de la presse qui, comme nous le savons bien, offre un reflet
difforme de l’opinion public.
1. Angelusz-Balogh-Körmendy-Lédere-Székely: Jogászság társadalmi helyzete és szakmai életútja, Szociológiai füzetek 13., Budapest, O.M. 1977);
2. Badó - Loss – Szilágyi – Zombor: Bevezetés a jogszociológiába 1997., Bíbor Kiadó, Miskolc
3. R. David and M.J. Gunn: The Modern English Legal System. Second Edition, Sweet and Maxwell, London, 1991. 23. old.;
4.Frank, Jerome (1930) Law and the modern mind. London and Stevens
5. Kenneth H. Barry and Patricia A. Connelly, “Research on Law Students: An Annotated Bibliography” 1978 American Bar Fundation Research Journal 751;
6. G. Andrew H. Benjamin, Alfred Kasniak, Bruce Sales, and Stephen B. Shanfield, “The Role of Legal Education in Producing Psychological Distress among Law Students and Lawyers” 1986 American Bar Foundation Research Journal 225.;
7. Carlin, 1966: Lawyers’ Ethics. New York: Russel Sage Foundation 143-46.
8. Paul D. Carrington and P. C. James, “The Alienation of Law Students” 75 Michigan Law Review 887;
9. Leonard E. Eron and robert S. Redmount, “The Effect of Legal Education on Attitudes” 9 Journal of Legal Education 431;
10. Marilyn Heins, Shirley Nichols Fahey, and Roger C. Henderson, “Law Students and Medical Students: A Comparison of Perceived Stress” 33 Journal of Legal Education 511;
11. Susan Ann Kay, “Socializing the Future Elite: The Nonimpact of Law School” 59 Social Science Quarterly 347;
12. Duncan Kennedy, Legal Education as Training for Hierarchy. In David Kairys, ed. The Politics of Law. New York: Pantheon;
13. Lortie, 1958 Laymen to Lawmen: Law School, Careers, and Professional Socialization. 29 Harvard Education Review 352;
14. Nagy Zsolt: A kirendelt védő jogintézményének jogszociológiai elemzése. In: Magyar Jog, megjelenés alatt
15. Paul Van R. Miller, “Personality Differences and Student Survivel in Law Shool” 19 Journal of Legal Education 460; Shaffer & Redmount, 1977;
16. Pokol Béla: A jog szerkezete, Felsőoktatási és Koordinációs Iroda, Budapest, 1991;
17. Utasi Ágnes, Az ügyvédek hivatásrendje, Új mandátum, Budapest, 1999;
18. Varga Csaba: A kodifikáció mint társadalmi – történelmi jelelnség, Akadémiai Kiadó, Budapest, 1979.