Attila BadÓ

L’ENQUÊTE SOCIOLOGIQUE DES JURISTES HONGROIS SUITE AU

CHANGEMENT DE RÉGIME

 

Les juristes ont toujours constitué un centre d’intérêt pour la sociologie du droit. L’abondance des oeuvres empiriques et théoriques concernant ce sujet montre qu’il s’agit d’un sujet d’enquête important. Plusieurs explications peuvent être données relatives à cet intérêt. Premièrement, la raison la plus importante est à rechercher dans le fait que cette profession a acquis un pouvoir considérable tant au niveau politique qu’économique dans la plupart des pays. En effet, ce groupe social est constitué de personnes ayant un tel savoir, qu’elles étaient capables de faire évaluer leur rôle social, souvent de le faire “surévaluer” à l’aide de différentes méthodes, en outre elles exerçaient plusieurs fonctions, de celles liées au pouvoir législatif jusqu’aux principaux postes de l’économie, en passant par les fonctions du pouvoir judiciaire, recouvrant ainsi un domaine très large ce qui est presque irritant. C’est pourquoi il ne faut pas être surpris de l’attention accordée aux juristes dans les théories sociologiques élaborées par des sociologues classiques réputés, comme Weber, Durkheim, ou Parsons. Deuxièmement, la raison pour laquelle les oeuvres de sociologie du droit portent une attention très importante à ce sujet, est peut être encore plus évidente. Comment pourrions nous trouver des réponses à n’importe laquelle des questions fondamentales de cette discipline sans connaître les acteurs réels du sujet d’enquête, c’est à dire “la vie juridique” ? Que nous nous occupions des problèmes de la législation, de l’application du droit ou de certains instituts juridiques, nous devons prendre en considération alors ceux qui exercent ces fonctions, ceux qui s’occupent d’un institut juridique. Finalement, nous pouvons mentionner également le fait qu’indépendamment de tout cela, les juristes par eux-mêmes constituent un groupe humain tel, qu’il peut provoquer la curiosité des chercheurs. Comme nous le savons il ne s’agit pas seulement de la curiosité des chercheurs. La société était toujours intéressée par cette profession au même titre que celle de médecin ou de policier. Ce n’est pas par hasard que les héros des soap-opéra (feuilletons télévisés populaires) sont souvent des avocats ou des juges d’instruction. Bien sûr dans ce cas, ces fictions présentent des événements qui choquent, excitent et terrifient les gens, comme par exemple la mort. Il est rare qu’un film présente le calvaire d’un avocat qui gagne un “procès de poule”. Il est aussi rare qu’une oeuvre présente la lutte héroïque d’un médecin contre le rhum. Mais, alors que la lutte d’un médecin dans un film est souvent assez proche de la réalité, c’est justement la sociologie du droit qui doit être capable de prouver à quel point le travail quotidien des juristes est loin de l’image présentée dans les médias. Bien sûr, le but principal des recherches de sociologie du droit, n’est pas de se moquer des réalisateurs. L’exploitation de la réalité, la connaissance du monde des juristes s’effectuent dans plusieurs directions et par des méthodes variées.

 

 

Quand nous donnons un aperçu des recherches en sociologie du droit concernant les juristes les principales directions d’enquête suivantes peuvent être observées :

 

1. Les enquêtes concernant les étudiants en droit

2. Les recherches analysant la composition et les caractéristiques du monde des juristes

3. La responsabilité et la déontologie juridiques, plus particulièrement des avocats

4. La relation client avocat

5. L’activité quotidienne des juristes.

 

 

 

Il n’est pas surprenant que dans les domaines mentionnés, les chercheurs des Etats-Unis arrivent en tête, ils ont déjà examiné de presque tous les points de vue les juristes américains. Des enquêtes de sociologie du droit de ce type sont mis à jour dans tous les systèmes juridiques, mais l’étendue des recherches n’arrive nulle part au niveau américain. Ainsi, il est compréhensible que la recherche unique qui compare les juristes de nombreux systèmes juridiques du monde ait été effectuée sous une direction américaine. Les enquêtes effectuées sous la direction de Philip Lewis et Richard Abel ont fait la comparaison des juristes des systèmes juridiques de vingt pays, selon des points de vue déterminés. Les résultats de ces enquêtes ont donné naissance à un ouvrage en trois volumes en 1989 (“The common law world”, “The civil law world”, “Comparative theories”), qui apporte une synthèse des juristes du monde.

 

 

LES JURISTES HONGROIS

 

Nous ne pouvons pas parler de véritable enquête sociologique relative aux juristes hongrois avant le changement de régime. La sociologie était une discipline à refuser ou à peine tolérée par les idéologistes du parti communiste. L’exploitation de la réalité a énervé à juste titre ceux qui n’ignoraient pas la différence entre la propagande et la situation réelle.

 

Malgré tout cela, à partir des années 70 cette discipline commence à vivre et une enquête sociologique globale concernant les juristes hongrois est également réalisée dans cette période. Mais, à cause des bouleversements importants suite au changement de régime ses résultats ont pris un aspect historique et ils ne contribuent à la compréhension de la situation actuelle que d’un point de vue historique.

 

Par la suite, j’essayerai d’exposer les faits et les recherches les plus importants relatifs aux juristes hongrois, qui sont à la disposition de la sociologie du droit. Comme pour les années précédant le changement de régime, les 10 années qui l’ont suivi n’étaient pas très fécondes. Bien que depuis les années 90 des changements radicaux se manifestent concernant la composition, le rôle et le prestige des juristes, très peu d’enquête empirique malheureusement ont été réalisée. Mais il parait que le nouveau millénaire sera accompagné d’une explosion dans le domaine également des recherches. Nous avons connaissance de nombreux projets et d’enquêtes en cours. Il serait d’autant plus important que ces enquêtes et des analyses comparatives se réalisent, pour que les différents ordres de juristes ou les facultés de droit puissent prévoir une stratégie concernant l’avenir sur la base de ces résultats, afin d’éviter certaines tendances négatives.

 

 

I.                    Les étudiants en droit

 

Au delà de la valeur d'une connaissance, c’est à cause de la qualité professionnelle et morale des juristes, qu’il devient particulièrement intéressant de s’occuper des motivations de la vocation, des valeurs et de la socialisation des étudiants en droit. L’étudiant en droit devient un jour juriste, ce qui n’est pas surprenant, (en plus selon les enquêtes américaines, la majorité des étudiants le restent…) et arrivant à une nouvelle période de socialisation professionnelle, il possède certaines attitudes. Sa personnalité, sa manière de voir jouent un rôle primordial au niveau de son rapport avec les affaires et les clients. Donc, il est très important de prendre en considération les dispositions d’esprit que possèdent les personnes qui entrent à l’université, ainsi que les changements que subissent les étudiants pendant leur formation. S’il faut qu’ils connaissent un changement de personnalité. En effet, beaucoup de personnes sont septiques vis à vis de cette question et elles affirment qu’il faut en finir avec cette idée idéaliste. Les étudiants arrivent à l’université avec une personnalité déjà développée, avec des valeurs morales, ainsi ils n’ont plus besoin d’être éduqués. De toute façon, celui qui est égoïste à l’extrême, ne deviendra jamais altruiste et inversement.

 

Parmi les résultats des enquêtes concernant la socialisation des étudiants en droit, la majorité ne démontre pas un changement significatif au niveau des valeurs morales, pendant la période de leurs études. Il s’agit plutôt d’une auto-sélection des étudiants, c’est-à-dire que certains types de personnalité préfère la faculté de droit aux autres facultés. Selon plusieurs recherches, les étudiants en droit sont caractérisés par le rationalisme et moins par l’affectif. Selon les ouvrages spécialisés, la modification essentielle est observée plutôt au niveau de la motivation. L’essentiel du changement se trouve dans le fait qu’aux Etats Unis la majorité des étudiants acceptés en facultés de droit, pensent possible ou bien ont la ferme intention d’exercer leur métier en faveur d’un groupe social en difficulté après leurs études, mais juste avant l’obtention du diplôme il n’y en a que très peu d’entre eux qui gardent cette position. Donc selon les enquêtes américaines l’influence des facultés de droit se manifeste dans le fait qu’elles dirigent fermement leurs étudiants vers des carrières juridiques traditionnelles.

 

1   En ce rendant compte de l’absence d’enquêtes en Hongrie concernant les étudiants en droit on a réalisé une enquête comparative concernant les motivations et la vocation des étudiants en droit, en collaboration avec des collègues allemands, au mois de décembre 1996 à l’université de Szeged et au cours de l’été 1997 à l’université de Göttingen en Allemagne. On a considéré cette enquête comme la première étape d’une recherche globale relative aux étudiants. Nous avons supposé qu’à cause des particularités des périodes précédant et suivant le changement de régime, il s’agissait d’une société d’étudiants en droit différente, de plusieurs points de vue, de celle des pays occidentaux.

 

Sans entrer dans les détails des résultats de l’enquête, nous avons observé les différences marquantes suivantes par rapport à l’Allemagne :

 

a) A la différence des étudiants allemands une attitude affective plus importante et une disposition d’esprit plus tournée vers les lettres pouvaient être observés. La raison la plus importante de cette différence trouve son origine dans un système particulier d’examen d’entrée à l’université, qui constitue un mode particulier de sélection par rapport à la pratique européenne. L’examen d’entrée basé sur la littérature hongroise et l’histoire a pour conséquence d’une part d’amener une partie considérable des étudiants en droit vers une orientation axée sur les lettres, d’autre part de fermer l’accès à la faculté de droit aux étudiants intéressés mais d’esprit scientifique.

 

b) La différence était frappante au niveau des hiérarchies, relatives aux professions, telles quelles étaient définies par les étudiants. Tandis que les étudiants allemands ont placé presque à l’unanimité la profession de médecin en tête alors que celle de juriste était souvent précédé par celles d’ingénieur et d’économiste, les étudiants hongrois, à une majorité écrasante, ont placé en première position selon presque tous les points de vue la profession de juriste.

 

c) En ce qui concerne les possibilités de débouchés, un optimisme plutôt mal fondé règne parmi les Hongrois. Tandis qu’une proportion très faible des étudiants allemands est sûr de trouver un emploi tout de suite après leurs études, 90 % des étudiants hongrois en sont persuadés.

 

2. La formation des étudiants en droit en Hongrie

 

24 § / Une personne qui observe le cursus de droit en Hongrie remarque tout de suite l’abondance des matières soit disant théorique qui parfois dépassent presque le nombre des matières pratiques professionnelles. Ces cours destinés à donner une culture générale juridique sont dans la plupart des cas obligatoires quoique quelques uns de ces cours sont devenus facultatifs ces dernières années. La conception de base, contrairement à la conception de la formation en droit des pays anglo-saxons et d’autres pays continentaux, est de ne pas “produire” des ouvriers professionnels juridiques prêts à être lancés immédiatement sur le marché, mais de former une élite juridique, cultivée, instruite dans plusieurs domaines, sensible aux problèmes sociaux, et dont les membres seront compétents dans tous les domaines professionnels. D’ailleurs, la méthode d’enseignement des matières professionnelles reflète bien cette conception, puisque l’étude des différentes branches du droit comprend également l’introduction historique, les principes théoriques, et les professeurs consacrent très peu de temps à la pratique judiciaire. Les cours magistraux sont centrés sur la législation, et souvent le contrôle se limite exclusivement à la connaissance des lois en vigueur et à la connaissance théorique et historique. La jurisprudence se limite à quelques importantes décisions de principe. Selon les partisans de cette méthode, il serait complètement inutile de jouer des scènes judiciaires à l’université, et d'obliger les étudiants à faire des plaidoiries régulièrement. Ils ne pensent pas nécessaire non plus d’apprendre aux futurs avocats les astuces du métier. Les jeunes diplômés ne doivent pas être en mesure non plus d’enregistrer les documents et de remplir une formule exécutoire. Pourquoi ? Parce qu’un juriste acquiert toutes ces pratiques pendant les trois années de stage, dans le milieu où il les appliquera.

Mais il est possible qu’à cause des exigences du marché les facultés de droit soient amenées à adopter un système de formation plus orienté vers la pratique. L’avantage de ce changement serait de faciliter la socialisation des juristes dans un secteur de pratique judiciaire empreint de positivisme, tandis que l’inconvénient serait la disparition d’une catégorie de juristes classiques et cultivés. D’autres dangers menacent également l’idée de former des juristes cultivés, notamment la croissance importante du nombre d’étudiants inscrits en droit ces dernières années, qui rend de plus en plus impossible un enseignement de qualité, et la production en masse, même s’il s’agit ou non d’une formation basée sur la pratique, fait diminuer évidemment le niveau de qualité.

 

3. Les possibilités des jeunes diplômés juristes

 

            25 § / Pour l’instant les jeunes diplômés juristes ont plus d’avantage par rapport à d’autres professions. Mais au regard des effectifs d'étudiants des facultés de droit, il n’est pas difficile de prédire que les juristes hongrois seront bientôt confrontés au fait, qu’avec un diplôme de faible qualification et que sans avoir des parents avocats et de bonnes relations, ils deviendront chauffeur de bus ou ils mettront en valeur leur savoir dans un domaine complètement différent. Avant le changement de régime les ministères avaient comme objectif d’éviter ce problème en limitant les effectifs des facultés. Mais suite à la libéralisation du marché, la demande en juristes s’est accrue rapidement, et le manque de juristes observé dans différentes structures, ainsi que l’espoir d’avoir un revenu élevé, ont attiré des masses d’étudiants vers les facultés de droit, qui ont ouvert des promotions avec des effectifs de plus en plus importants.

 

            Aujourd’hui, les jeunes diplômés n’ont plus vraiment le choix. Il y a quatre ans, les tribunaux, les ministères publiques devaient rechercher des jeunes diplômés, surtout des garçons, mais aujourd’hui, ces derniers doivent “se battre” pour ces postes devenus vacants et bien payés. Dans le choix du candidat, la qualité du diplôme représente un poids très important, mais dans la plupart des cas la décision dépend des relations personnelles. La situation est différente concernant les cabinets d’avocats. Beaucoup de cabinets, ou d’avocats indépendants demandent de l’argent pour employer des stagiaires, mais l’avenir n’est sûr que pour ceux qui ont un parent avocat de grande réputation. Les exceptions existent bien sûr, ce sont surtout notamment les cabinets spécialisés dans des affaires commerciales qui, ayant des recettes importantes venant de commissions permanentes, peuvent payer correctement leurs employés.

            Une caste à part se constitue de cabinets étrangers qui, disposant de la confiance des investisseurs étrangers, effectuent le travail relatif à la création d’entreprises et d’autres missions juridiques relatives aux entreprises, pour des rémunérations très importantes du point de vue hongrois. Ces cabinets implantés à Budapest prennent une part très importante du marché juridique et il parait qu’ils ont toujours besoin de jeunes juristes hautement qualifiés. A ce niveau la recommandation ne fait qu’accroître la confiance, et si quelqu’un parle parfaitement la langue en question ou d’autres langues étrangères, s’il présente bien et s’il est travailleur, il aura une sécurité d’emploi, un revenu important, mais si peu de temps libre.

 

 

II. La situation des métiers juridiques classiques

 

 

 

Avant le changement de régime nous pouvions parler d’une catégorie de juristes, employés, mal payés et ayant un prestige limité, ainsi qu’une catégorie fermée d’avocats, dont les effectifs étaient limités, et ayant un niveau de vie élevé. En possédant le diplôme universitaire, il était égal de devenir procureur, juge, ou employé dans l’administration, d’un point de vue financier ainsi que du point de vue de l’autonomie de travail. La seule possibilité d’ascension du point de vue financier était de devenir avocat, mais il était presque impossible d’entrée dans l’ordre des avocats sans avoir des parents avocats et des relations politiques, liées au parti.

 

Le changement de régime a modifié considérablement cette situation. Le gouvernement du premier parlement démocratiquement élu avait l’intention ferme d’assurer un revenu important aux catégories des juges et des procureurs par rapport à d’autres groupes de fonctionnaires. L’objectif était avant tout de restaurer l’autorité des tribunaux. Parallèlement, la législation à mis fin à l’aspect fermer des ordres d’avocats et avec des conditions objectives il a rendu possible pour tout le monde l’ouverture d’un cabinet d’avocat.

 

Tous ces changements ont restructuré fondamentalement le monde des juristes en Hongrie en quelques années.

Le nombre d’avocats s’est accru considérablement et en même temps la concurrence est très forte au niveau des postes dans les tribunaux et dans les ministères publiques. Malheureusement, cette concurrence est loin d’être objective, ainsi une des missions les plus importantes des législateurs sera d’élaborer un système plus juste. Une caractéristique typiquement hongroise, contrairement aux tendances européennes, est l’avantage considérable que les hommes ont par rapport aux femmes d’obtenir un poste de juge ou de procureur. Les origines de cette tendance était la “féminisation” de ces métiers dans la période du socialisme, mais actuellement le sentiment d’équité de beaucoup de personnes est lésé, quand un homme de compétence faible est nommé plus vite juge qu’une femme de compétence forte. D’autres problèmes se posent, au niveau du vieillissement des corps d’avocats et de juges. Il ne s’agit pas de l’âge en soit mais de la socialisation des juristes plus âgés, issus d'un système où la valeur principale était la conformité, alors qu'aujourd'hui la transmission de cette valeur ne devrait pas être un but.

 

Les avocats constituent la seule catégorie de juristes qui soit concernée par une enquête sociologique empirique et globale réalisée dans les années 90. Ce groupe social a été étudié par un groupe d’étudiants en sociologie, dirigé par Utasi Ágnes, sociologue. La présentation détaillée de cette enquête concernant 1500 personnes, dépasserait nos limites, ainsi nous n’allons souligner que quelques remarques importantes.

 

Les chercheurs parlent des avocats en tant que représentants typiques de la classe moyenne. Mais d’après eux, alors que la société perçoit les avocats comme un groupe homogène, dont les membres ont un revenu élevé par rapport à la moyenne, l’image réelle est beaucoup plus différenciée. Cette constatation coïncide avec mes enquêtes. J’ai réalisé des entretiens dans les sociétés employant des avocats d'un seul département, qui ont donné une image très diversifiée du point de vue de la qualité professionnelle et du niveau de vie. L’accroissement brusque des effectifs dont nous avons déjà parlé avait comme conséquence une dilution et une concurrence plus accrue. C’est pourquoi aujourd’hui des différences plus fortes peuvent être observées parmi les avocats, par rapport à la situation précédant le changement de régime. Cette différence concerne le niveau de vie mais ce qui est encore plus important, le niveau variable éthique et professionnel. Malgré que les ordres d’avocats essayent de rendre obligatoire les examens éthiques, de plus en plus d’avocats se retrouvent sur le banc des accusés.

 

Une autre constatation intéressante de l’enquête est que l’orientation politique des avocats est très proche des proportions européennes. La majorité des avocats ont des convictions politiques de droite et cette proportion est plus importante que la moyenne parmi ceux qui se placent dans un groupe social supérieur.

 

 

III. Appréciation sociale des juristes

 

            L’appréciation sociale des juristes est extrêmement contradictoire partout dans le monde. Cette appréciation part de l’ergoteur froid, insensible, sec et matérialiste à l’extrême en passant par le juge cultivé qui rend la justice, jusqu’à l’avocat défendant des personnes hors-la-loi. Ces prises de position extrêmes suivent parfaitement l’image variable du juriste dessinée par les médias. Jerome Frank y fait également allusion dans son oeuvre intitulé “Law and the modern mind”. L’explication de Frank est assez particulière, il trouve la réponse à la question dans le complexe paternel. Selon lui l’individu cherche la même sécurité dans le droit que dans le père, c’est-à-dire une personne qu’il estime et dont il ne met jamais en cause les décisions, durant son enfance. Mais il ne trouve jamais cette sécurité dans le droit, ainsi il suppose que les litiges sont fabriqués par les méchants juristes. Or, déduit-il, “l’idée populaire sur la possibilité de l’exactitude juridique est basée sur une erreur”.

            Les juristes supportent assez mal cette appréciation négative par rapport à d’autres métiers, ce qu’une enquête américaine a prouvé. Plus de la majorité des juristes craignent que la société méprise plus leur métier que d’autres. Il parait que ce n’est pas sans fondement parce que selon une enquête effectuée en 1973, 82 % des gens ont plus confiance en les policiers et les éboueurs qu’en les juristes. Bien sûr ce n’est qu’une partie de l’appréciation, mais dans la hiérarchie des métiers les juristes sont placés à un niveau assez bas. Mais la méfiance vis-à-vis des juristes et l’échelon inférieur accordé aux juristes dans la hiérarchie professionnelle ne veulent pas dire qu’on n’apprécie pas positivement ce métier sous d’autres points de vue (par exemple financier).

L’image des juristes et tout particulièrement des avocats est encore plus négative dans la société hongroise. La raison principale trouve son origine dans le fait que pendant les quelques années, qui ont suivi le changement de régime de nombreux scandales ont choqué la société, dans lesquels des juristes étaient nécessairement impliqués. Au sujet de ces affaires, c’est en fait une information, concernant des commissions énormes, qui a été mise au grand jour, et dont l’ordre de grandeur a largement dépassé l’imagination des salariés. Lors d'un contrat de vente, la commission d’un avocat s’élève à 1 % du prix de vente, et le lectorat, dans le cas d’un contrat de vente d’un montant de 1 milliard, peut être facilement amené à penser alors que le juriste touche sans le mérité une somme trop élevé par rapport au travail effectué et à la responsabilité prise. Bien sûr, ce sont plutôt les personnes à bas salaire qui sont vraiment choqués. La rémunération trop élevé des juristes constitue un problème polémique dans le monde entier, surtout si c’est de l’argent public qui atterri dans la poche des juristes, comme c’est arrivé parfois en Hongrie. L’image de l’avocat qui lutte à tout prix pour la justice n’est connu aujourd’hui en Hongrie que par les films américains, parce que le système hongrois de procédure ne donne pas vraiment la possibilité aux avocats de briller. Le juge d’instruction intègre des films italiens n’est pas présent non plus dans l’opinion public, malgré qu’il soit reconnu que la justice soit moins corrompu que l’administration. Les critiques relatives à la législation parlent souvent également des juristes, dont la participation trop importante est objecté. Les juristes sont parfois accusés d’élaborer des règles juridiques de telle façon qu’il se garde une porte de sortie. Mais ce ne sont que des conclusions tirées de la presse qui, comme nous le savons bien, offre un reflet difforme de l’opinion public.




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2000/2. szám tartalomjegyzéke